22 septembre 2025

Ramadhan, réflexion sur la sobriété heureuse

Ramadhan, réflexion sur la sobriété heureuse

Le mois de Ramadhan semble être le révélateur de nos habitudes et nos incohérences. Ainsi, au mois de piété et de sobriété, le gaspillage prend une ampleur inégalée par la surconsommation de tous les produits alimentaires, particulièrement le sucre, le pain, l’huile et le lait, qui sont subventionnés par l’Etat, ce qui n’est bon ni pour la santé du consommateur, ni pour la santé du pays qui hypothèque ainsi son avenir économique.
L’avenue de Sidna Ramadhan devrait être une bonne occasion de s’entrainer à consommer avec plus de modération, comme nous l’a maintes fois rapporté la tradition du Prophète (sur lui la paix), qui répétait : « nous sommes des gens qui ne mangeons que lorsque nous avons faim, et si nous mangeons, ce n’est jamais à satiété ». Se réapproprier cette tradition serait la meilleure des choses pour notre santé, morale et physique.
C’est à cette sobriété que nous avait invité Pierre Rabhi, l’un des pères fondateurs de l’agroécologie en France et en Afrique de l’ouest. Ce petit bonhomme, français d’origine algérienne né à Kenadsa (Bechar) en 1938, a été adopté par un couple de français et a vécu la plus grande partie de sa vie en tant qu’agriculteur dans une petite ferme en Ardèche (France). Devenu par la force de ses convictions, paysan écologiste, puis écrivain et philosophe, il interpelle les générations montantes sur les dérives de la société de surconsommation. Il prône un mode de vie le plus proche possible de la terre, de la nature, de façon à vivre dans une autonomie alimentaire.
J’ai eu l’occasion de le découvrir lors d’une de ses conférences qu’il a présenté à l’Institut National Agronomique d’El harrach en 1987, où il nous avait décrit son parcours et son expérience récente de formateur sans frontière au Burkina Faso. Dans ce pays, il était frappé par le fossé existant entre niveau de vie des pays riches avec celui des pays pauvres, en particulier dans le domaine agricole. Le constat est sans appel, les 2/3 des richesses mondiales sont consommées par 1/3 de la population de la planète. Avec la mondialisation, le mot d’ordre devient partout : croissance économique, produire plus pour consommer plus, consommer plus pour maintenir les emplois. ..a tel point que le modèle de croissance et de surconsommation est entrain de se généraliser dans les pays dits émergents, sans qu’on ne se rende compte que ce modèle a plus tendance à détruire qu’à préserver la vie et notamment l’environnement, en accélérant l’épuisement des réserves naturelles, la pollution chimique des sols et la disparition de la biodiversité. Ces nations, sans s’en rendre compte, et pour reprendre l’image du Titanic, font tout pour accélérer la vitesse du navire qui a en vue l’iceberg ! Les dangers qui guettent l’humanité sont là, et se font chaque jour plus pressants. Et nous en sommes tous co-responsables. Comme le dit si bien le même Pierre Rabhi : « Quelle terre allons-nous laisser à nos enfants, et quels enfants allons-nous laisser à notre terre ? ».
Notre pays n’est pas en reste, puisque les concentrations urbaines ont supplanté la vie rurale, avec tous les méfaits que cela entraine, et que nos importations doublent tous les cinq à six ans. Nous importons presque tout, particulièrement notre nourriture, mais ce n’est pas pour autant que nous vivons mieux, que nous sommes plus satisfaits ou en meilleure santé. Bien au contraire, nous sommes entrain de copier le mode de vie occidental, avec la mode du fast-food, qui nous pousse à consommer toujours plus, pour convoiter encore plus, alors que nos hôpitaux n’ont jamais été aussi débordés.
Les gens se rendent de plus en plus compte que la vie loin des grandes villes est bien meilleure, au point de regretter la quiétude et la saveur d’antan, où tout était imprégné de cette « baraka fil kalil » (ce mot veut justement dire qu’on se suffisait de peu).
Le mois sacré de Ramadhan est l’occasion de prendre du recul, surtout en ses dix derniers jours, pour réfléchir sur notre propre vie, ré-orienter sur notre mode de consommation. Il nous invite non seulement à éviter le gaspillage, mais à aller vers un mode de vie plus sain, plus sobre, et plus salutaire pour vivre la sobriété heureuse, telle que la vivaient nos ancêtres.
 

de Karim Rahal, Universitaire agroécologiste

 
 
 

2 thoughts on “Ramadhan, réflexion sur la sobriété heureuse

  1. Quand la philosophie de Pierre Rabhi rencontre l’islam, c’est juste la perfection, le modèle à suivre. Pour vu que les algériens et tous les musulmans en prennent conscience avant qu’il ne soit trop tard. Faire marche arrière et quitter le confort matériel est très difficile une fois qu’on s’y habitue. Restez dans les campagnes pour ceux qui y sont et retournons y pour ceux qui n’y sont plus, car les villes sont vraiment maléfiques, ensorcellent ceux qui les habitent. Un jardin potager, des arbres fruitiers et quelques animaux sont la clé du bonheur et les garants de la liberté de chacun, car ne dépendant de personne pour se nourrir. As Salam 3alaykoum wa rahmatoullahi wa barakatouh.

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