Selon le livre paru aux éditions Arak (2021)
Par Pr Karim Rahal (Faculté des sciences agro-vétérinaires de l’Université de Blida 1 et co-fondateur du Collectif Torba)
L’ouvrage « Agriculture saharienne sans les oasiens ? » (aux Editions Arak) avait exploré les défis et opportunités de l’agriculture saharienne, en s’appuyant sur les débats initiés à l’époque par l’association Torba et le Groupe de Réflexion Filaha Innove. La première partie de l’ouvrage retraçait l’historique des efforts de mise en valeur des terres sahariennes depuis la promulgation de la loi 83-18. Cette loi avait permis l’attribution de 2,4 millions d’hectares de terres sahariennes, et seulement 0,4 million ont réellement été mis en valeur, et ce principalement dans les régions de Biskra et El Oued. Ces deux zones, réputées pour leur production intensive de légumes sous serre et de dattes, sont aujourd’hui considérées comme des exemples de réussite relative. Toutefois, ces succès doivent être nuancés, car d’autres régions, où des initiatives de grande envergure ont été entreprises, ont rencontré des difficultés majeures, voire des échecs retentissants.
Selon les études de l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS), les grandes exploitations agricoles dans des régions telles qu’Ouargla, El Menea, Gassi Touil, Abadla ou Adrar, qui se sont concentrées sur des cultures gourmandes en eau comme la betterave à sucre, le maïs-grain, ou encore l’élevage intensif bovin laitier, ont montré leurs limites. Après plus de trente ans de tentatives d’apprentissage et d’accumulation d’expertise, ces régions n’ont pas réussi à maîtriser des systèmes de production à grande échelle. Ces initiatives se sont heurtées à des obstacles économiques et écologiques majeurs, notamment des coûts de production élevés, la dégradation rapide des sols à cause de la salinisation, et le rabattement des nappes phréatiques. L’évapotranspiration, déjà extrêmement élevée dans les zones arides, accentue les besoins en eau, rendant ces cultures intensives insoutenables à long terme.
L’Algérie n’a pas été le seul exemple de ces difficultés, l’ouvrage avait présenté des expériences similaires dans d’autres régions arides du monde, telles que la Californie (États-Unis), l’Arabie Saoudite et la Libye. Dans ces pays, l’agriculture intensive a également provoqué des dégradations écologiques assez graves, en particulier à travers la surexploitation des ressources en eau et la salinisation des sols, ce qui a conduit à l’abandon partiel ou total de nombreux projets agricoles dans ces régions.
Face à ces constats préoccupants, l’ouvrage avait proposé des solutions alternatives, plus respectueuses de l’environnement et mieux adaptées aux conditions sahariennes, à travers le modèle oasien, qui repose sur une agriculture polyculturelle et durable. Ce système permet non seulement la production de dattes, mais aussi la culture d’arbres et de plantes intercalaires rustiques comme le pistachier, l’arganier, le millet, le sorgho, ainsi que des espèces animales locales (ovins, caprins et camelins). Une transition agroécologique vers un modèle agricole qui associe les pratiques ancestrales et les innovations technologiques et numériques s’imposera-t-il finalement, en vue de moderniser l’agriculture saharienne ?
Quatre ans après la publication de cet ouvrage, la question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les constats et recommandations formulés à l’époque restent toujours valables ou y aurait-il du nouveau à la lumière des évolutions récentes (2020 – 2024) ? Cette interrogation fera l’objet d’une deuxième édition du livre sur l’agriculture saharienne.